"La plupart des textes des femmes auteurs ont disparu des catalogues des éditeurs"  

Rencontre
Entretien avec Martine Reid, qui a conçu et réalisé le série «Femmes de lettres»

FOLIO : Comment vous est venue l’idée de cette série ?


MARTINE REID* : C’est en travaillant sur George Sand, il y a une quinzaine d’années, que je me suis rendue compte que la plupart de ses romans n’étaient pas disponibles et qu’il était donc impossible de les enseigner.
Force a été ensuite de constater que ce qui s’observait pour Sand s’observait au moins autant pour la plupart des autres femmes auteurs, et que leurs textes avaient, assez généralement, disparu des catalogues d’éditeurs, comme leurs noms avaient disparu des histoires littéraires.
 
FOLIO : Pourquoi une série de textes uniquement écrits par des femmes ?

MARTINE REID : La création de la série « Femmes de lettres » permet de rendre disponibles des textes qui ne le sont plus depuis longtemps ou qui le sont, dans un petit nombre de cas, dans des éditions spécialisées, plus coûteuses et plus difficiles d’accès. L’existence de la série « Femmes de lettres » permet notamment de rappeler, par le nombre et la diversité des œuvres qu’elle contient, la richesse d’une partie du patrimoine littéraire injustement oubliée ; elle rend ainsi visibles des textes moins, peu ou pas connus.
 
FOLIO : Y a-t-il une écriture féminine et masculine ?

MARTINE REID : Pendant longtemps, les hommes de lettres ont dit qu’il y avait une écriture féminine (un style, des sujets, des genres féminins), et, le plus généralement, les femmes l’ont pensé et ont revendiqué cette différence. On ne trouve que de rares exceptions à cette façon de voir : George Sand a refusé de faire de la littérature « de femme » (ce que rappelle le choix d’un pseudonyme masculin), Rachilde de son côté s’est toujours présentée comme un « homme de lettres ». Dans les années 1960, sous l’influence d’un féminisme militant, certaines femmes écrivains ont fait valoir le principe de « l’écriture-femme » et ont résolument fait entendre leur différence. Toutefois ce courant est demeuré minoritaire. Aujourd’hui, la question n’est pas « résolue » ; à mon sens, et sauf exception, elle s’est plutôt dissoute dans une manière autre, plus libre et plus personnelle, de faire de la littérature.
 
FOLIO : Y a t-il un lien entre écriture féminine et féminisme ? Autrement dit, toutes ces femmes qui écrivent sont-elles des féministes ?

MARTINE REID : Toutes les femmes ne sont pas féministes. Il en va de même avec les femmes auteurs : elles ne sont pas toutes féministes si l’on entend par là, pour faire simple, des convictions fortes et la production de textes affichant ces convictions. Il est vrai que bon nombre de femmes auteurs ont fait entendre leurs difficultés à exercer, en tant que femmes, leur métier d’auteur(e), mais toutes ne l’ont pas fait. Il est vrai aussi que bon nombre de femmes auteurs ont écrit des romans qui présentaient autrement les rapports entre les personnages masculins et féminins, qui représentaient des héroïnes plus soucieuses de leur identité de femme, et des hommes plus volontiers critiqués dans leurs manières d’agir « en hommes ». Toutefois,  pourquoi le champ littéraire féminin serait-il cohérent, unifié (au nom de l’appartenance sexuelle), quand le champ littéraire masculin ne l’est pas ? Rapproche-t-on les ouvrages de Racine de ceux de Hugo pour la seule raison qu’ils sont des hommes ? Il y en va de même pour les femmes, dont il faut cesser de croire qu’elles sont semblables, qu’elles pensent de même, et qu’elles sont féministes, simplement parce qu’elles sont du même sexe.
 

FOLIO : Comment choisissez-vous les auteurs et quels sont les textes que vous souhaitez rééditer dans cette série ?

MARTINE REID : Ce qui a prévalu dans les choix que j’ai faits, c’est la qualité des textes, leur originalité, leur finesse de vue et le réel plaisir qu’ils peuvent procurer au lecteur qui les découvre. Les ouvrages de fiction (romans, contes et nouvelles), les essais, les correspondances, les écrits autobiographiques ont été privilégiés ; le théâtre et la poésie ont été écartés. Les noms de femmes auteurs connues, Mme de Lafayette ou George Sand, ont été mêlées aux noms de femmes auteurs moins connues, Mme d’Aulnoy ou Flora Tristan, voire oubliées désormais, Mme de Genlis ou Renée Vivien. De la même manière, des textes connus voisinent avec des textes moins connus : la nouvelle de George Sand intitulée Pauline n’est pas aussi connue que ses romans champêtres ; il en va de même pour les nouvelles de Mme de Lafayette ou de Mme de Staël. Pour des raisons de calibrage propres au Folio 2 €, la publication d’extraits a parfois été nécessaire. Les choix ont également été soucieux de refléter différentes époques, du XVIIe à la première moitié du XXe siècles.
Accompagnés de citations extraites des mémoires ou de la correspondance quand elle existe, les éléments biographiques rappelés dans chacun des textes contribuent de leur côté à faire revivre des figures originales qui ont eu, le plus souvent, des existences passionnantes. Autant de façons de semer de cailloux blancs le chemin d’une histoire de la littérature française à redécouvrir.
          
* Diplômée de l’université de Yale aux Etats-Unis, où elle a enseigné plusieurs années, Martine REID est professeur de littérature française à l’université de Lille-III et spécialiste de littérature du XIXe siècle. Elle est l’auteur de nombreux articles et de plusieurs livres, dont le dernier est consacré à George Sand (Signer Sand. L’œuvre et le nom, Belin, 2003). Elle a réédité une vingtaine de textes classiques au Livre de Poche, chez Actes Sud (Babel) et chez Gallimard (Quarto et Folio).
Elle organise le 20 mars prochain à la Bibliothèque nationale de France un colloque consacré à la place des femmes dans le discours critique et l’histoire littéraire.


「大部分女性作者的文字,都從出版名冊中消失了。」

自十二世紀起,多虧一位名為Marie de France的女性之緣故,婦女才有機會在文學界立足。之後的每個世紀都可以數算到大量由這些被稱為「女性文學家」、「女詩人」或「女作家」所作的文學作品。不停地有女性的寫作出現是法語文壇上其中的一個獨特之處,這現像是其他歐洲文學界不能與之相比的。這些女性是誰呢?她們寫的是甚麼?她們是如何涉足文學的呢?她們會否像男性一樣以寫作為終生事業呢?她們會遇到哪些困難?她們的作品是受到怎樣的接待?

以下是出版社FolioMartine Reid1,「女性文學家(Femmes de letters)」系列的發起者所做的一些訪談。

您是如何會有這樣的一個想法?

大約15年前左右,我在做喬治桑(George Sand)的研究,發現她大部分的小說都找不到了,根本無法進行研究

然後我發覺到,發生在喬治桑身上的情況很普遍。很多女性作家,她們的文字從出版名冊中消失,就像她們的名字從文學史上消失一樣。

為什麼這個系列只收錄女人撰寫的作品?

「女性文學家」系列的宗旨就是希望將這些長期被遺忘由特別出版社出版,價錢比較昂貴又不容易找到的著作能再次普及起來。我們可以看到她們許多不同風格的作品,讓她們也可以在文壇佔有一席之地。這類出版行動的重要性是提醒大家,在我們的文學寶庫中那不公平地被遺忘的部份是多麼的豐富精彩,從而讓一些鮮為人知或無人認識的著作再度受到重視和大眾化。

有女性文筆和男性文筆嗎?

一直以來,男性文人認為女性文筆很容易從風格、主題和形式等被辨認出來。但是喬治桑拒絕寫「女性的文學」(這讓人想到她男性化的筆名)Rachilde也一直以「男性文人」自居。

1960年代,在女權運動的影響下,有部份女作家強調一種「女性的書寫」的原則,並堅決對外表達她們的原則。然而,這趨勢只屬於少數。到了今天,這問題仍未被「解決」。我個人認為,除了特殊的情況外,倒不如說這問題已消失在另一種更自由和更個人的創作文學方式。

女性寫作與女性主義是否有相關?這些女性作家都是女權主義者嗎?

並不是所有女性都是女權主義者。這對女性作家來說也是一樣︰她們不全都是女權主義者,如果女權主義的意思是,簡單的說是對有關女性的境況有堅強的信念並在寫作中清楚表達這種信念。無可否認,有不少女性作家投訴說身為女性,她們從事寫作職業很困難,但這並不全然是事實。亦無可否認有不少女作家寫的小說以不同的手法描寫書中男女人物之間的關係,女主角被寫成較重視她們的女性身份,而男性通常較為挑剔。不過,在這問題上可以看到各種的觀點與角度,實在不值得我們大驚小怪。為何女性文學的領域(在屬同一種性別的名義上)就要有一致性,統一性,而男性文學的領域就不需要呢?我們會否因為哈辛和雨果都是男性這理由而將他們的作品作比較?這對女性也應是如此,因此必須停止認為她們既是同類,她們的想法就一樣,就因為她們是同一樣的性別就必然是女權主義者。

可否解釋一下您是如何選擇這系列的書籍的?

那些被揀選的著作是因為它們的優點、主題的原創性、它們的風格和敏銳的見解,以及讀者從中所得到真正的樂趣。閱讀的先決條件是樂趣,之後才是學術性的資訊。有興趣的讀者會發現︰每一冊皆附有幾頁有關作者的簡介及書目的參考資料。虛構作品(小說、童話或短篇小說)、小品文、書信集、自傳式的著作會被優先選擇,戲劇和詩詞之類的作品被剔除了,因為Folio叢書本身的定價為2歐元這理由,有時必須摘錄出版。

這系列受歡迎的程度遠遠超過出版社的期待。20073月出版了五本書目,去年再出版了五本,最新的五本將在近日問世。之前出版的十個書目的總銷售量超過十二萬五千本,實在有很多的方法帶我們再次發掘法國文學的歷史。


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Martine Reid
Professeur, Martine Reid enseigne la littérature à l'Université de Versailles Saint Quentin-en-Yvelines. Auteur de deux livres et de nombreux articles sur le roman, la correspondance et l'autobiographie au XIXe siècle, elle a récemment réédité trois romans et un recueil de nouvelles de George Sand chez Actes Sud ainsi que 'La Petite Fadette' et 'Histoire de ma vie' chez Gallimard. Avec Bertrand Tillier, elle a publié 'l' ABCdaire de George Sand' chez Flammarion (1999).

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